Lorsqu’on évoque le faux-monnayeur le plus célèbre du Valais, on pense... Saillon. Or Verbier a aussi hébergé ce Robin des Alpes puisqu’il y a trouvé refuge, dans la station et au village, aux alentours de 1878. Clandestinement bien sûr. C’est sans doute pour sceller dans la pierre la venue de cet anarchiste distribuant ses pièces illicites aux habitants de la région qu’Ernest Meilland a inscrit en toutes lettres son nom sur la devanture de son hôtel. A ceux qui désirent en savoir plus sur les cachettes du rebelle italien, rendez-vous fin 2025 dans les pages du livre...

Hors hiver aux Moulins (lieu bien nommé puisqu’enfant, Gérard Perraudin y a retrouvé une pierre de moulin en plein torrent), on croise habituellement les fers... des férus de golf. Quelle ne fut pas la surprise de certains d’entre eux de se frotter, en 2013, à un adversaire de taille : un renard aussi adroit que roublard. Expert en fric-frac répété, le rusé goupil guettait le moment opportun pour sortir de sa planque, happer la balle et l’emporter. D’abord médusé, puis amusé par la dextérité de ce cambrioleur sur pattes, un golfeur allait filmer les assauts de celui qu’il avait baptisé Foxy pour les diffuser loin à la ronde. Même la BBC allait céder à cette Foxymania verbiéraine.

De la fulgurance de cet instant T où soudain l’existence bascule, Marko Shapiro peut en témoigner. A l’origine de son changement de trajectoire : son employeur d’alors, Pascal Burri, patron du restaurant le Fer à Cheval, prof de ski à ses heures. Contacté par ce fleuron de l’industrie de la glisse qu’était Authier en mal de clichés promotionnels pour l’un de ses modèles, ce dernier répond qu’il a la personne ad hoc dans son viseur. Qui ? Son employé occasionnel épris de photos. Côté mise en scène, un rien fera l’affaire, à savoir une ceinture de peignoir estampillée du nom des skis à vendre que Pascal, sujet à immortaliser, passera autour de sa tête en guise de bandeau. Et c’est le jackpot puisque ces images ont servi de tremplin à la future carrière de Marko.

En s’offrant le luxe de faire scintiller son nom dans la Voie lactée des étoilés, Roland Pierroz (1942-2015) a été le premier à avoir porté haut les couleurs de la gastronomie de la station grâce à l’excellence de sa table. Non content d’avoir joué les défricheurs, il a été l’un des artisans, aux côtés de Frédy Girardet, « cuisinier du siècle » en 1989, et du chef bâlois Hans Stucki, du renouveau de la haute cuisine helvétique. Excusez du peu ! Fort bien, mais savez-vous pourquoi d’aucuns sont allés jusqu’à clamer qu’il « était Verbier », qu’il en était l’incarnation ? Parce qu’en plus d’être un magicien enchanteur de papilles, il a coiffé la toque de brillant porte-voix pour assurer la promotion de son pied-à-terre. Verbier, via ce roi des fourneaux promu président de l’Office du Tourisme, détenait là le meilleur avocat pour faire recette.

Le dévaloir, terme suisse désignant, entre autres, un conduit destiné à l’évacuation d’ordures ménagères. Courant des années 60-70, le principe de ces gouffres avaleurs de détritus, disponibles à chaque étage, est adopté dans les chalets de luxe. Aux concierges ou aux personnels de service de vider ensuite en sous-sol ces conteneurs métalliques. Une sale besogne puisqu’avant incinération, les guérilleros de la propreté devaient trier cet écœurant méli-mélo, en transvaser les contenus dans des sacs à déposer dans les petits chalets-dépôts d’ordures. Voilà pour l’envers du décor. Le bon côté de cette collecte de rebus : un gain potentiel. En ramenant nombre de cadavres de bouteilles vides, alors consignées à 50 centimes pièce au magasin, certains parvenaient à arrondir leurs fins de mois. Un concierge a même confessé que ce petit commerce – estimé à la louche à près de 3000 flacons l’an – lui permettait de se payer des vacances ! Et ce jusqu’au moment où ces dévaloirs, jugés dangereux car à l’origine d’incendies, furent murés dans l’oubli.

Xtreme, tel est le nom de la folle manifestation qui rime avec ballets vertigineux des meilleurs freeriders de la planète. Or, surprise, cette incroyable épopée recèle des prémices aquatiques insoupçonnés. C’est d’abord leur passion de dompteur de vagues qui va faire germer en 1991 une idée saugrenue dans les têtes de Nicolas Hale-Woods et de Philippe Buttet, futurs géniteurs de ces joutes hivernales à la verticale. Quelle en était la teneur ? Fonder l’Association Suisse de Surf, dans un pays sans houle ni déferlante. Une première, aucune nation dépourvue de mer et d’océan ayant jusque-là tenté la chose. « On l’a fait pour rigoler, en se disant que des Jamaïcains avaient bien osé monter une équipe de bobsleigh en vue de se qualifier pour les J.O. » Parallèlement, avec leur toute nouvelle boîte de production, ils se piquent de faire un film démontrant les analogies reliant surf sur eau et surf sur neige. Le choix de s’attaquer caméra à l’épaule à intimidante face nord du Bec des Rosses sera le déclencheur d’une fabuleuse histoire...

S’il est un nom qui figure en lettres capitales sur le carnet des bonnes notes estivales diffusées loin à la ronde, c’est bien celui de Martin Engstroem. Père du Verbier Festival, ce dernier a su propulser l’agglomération sur une orbite internationale. Des étincelles, il a su en faire jaillir plus que de raison en dénichant les grands espoirs de la scène musicale. Des embrasements, il en aussi vécus, au propre comme au figuré. Preuve en sont ces intempestifs feux du ciel venus saluer le concert de la pianiste Yuja Wang en 2010. Alerté par les fracas de la foudre et d’une méchante averse, le patron suédois a dû faire des pieds (c’est le cas de dire puisqu’il a dû se résoudre à marcher sur le pied de la soliste) et des mains pour interrompre le jeu de la virtuose chinoise. Ardu de stopper la fougue de Miss Wang, puisque même la foudre s’y est montrée impuissante.

Un village climatérique pour patients atteints de troubles pulmonaires, des lotissements fantasmagoriques dont un doté d’un zoo, des funiculaires prêts à conquérir des montagnes, un métro... C’est peu dire que le brillant destin de Verbier a stimulé l’imagination et aiguisé l’appétit de promoteurs et d’ingénieurs aux visées conquérantes. Si la témérité de ces joueurs de poker prêts à miser gros sur l’avenir est à saluer, leurs élucubrations et doux rêves de grandeur se sont écroulés comme des châteaux de cartes. Pour connaître les dessous et les tenants de ces projets mort-nés inouïs, rendez-vous dans les pages du livre « Chroniques de Verbier ».